Alors j'ai un entraînement au brevet et je galère à quelques questions, voici le texte :

                                                          L’inconnue

           

            Un jour*, je tombai sur une photo que je n’aurais jamais dû voir… Je passais mes vacances chez ma grand-mère, dans cette ville aux abords de la steppe russe où elle avait échoué après la guerre. C’était à l’approche d’un crépuscule d’été chaud et lent qui inondait les pièces d’une lumière mauve. Cet éclairage un peu irréel se posait sur les photos que j’examinais devant une fenêtre ouverte. Ces clichés étaient les plus anciens de nos albums. Leurs images franchissaient le cap immémorial de la révolution de 1917*, ressuscitaient le temps des Tsars, et qui plus est, perçaient le rideau de fer* très solide a cette époque, m’emportant tantôt sur le parvis d’une cathédrale gothique, tantôt dans les allées d’un jardin dont la végétation me laissait perplexe par sa géométrie infaillible*. Je plongeais dans la préhistoire de notre famille…

            Soudain cette photo !

            Je la vis quand, par pure curiosité, j’ouvris une grande enveloppe glissée entre la dernière page et la couverture. C’était cet inévitable lot de clichés qu’on ne croit pas dignes de figurer sur le carton rêche des feuilles, des paysages qu’on ne parvient plus à identifier, des visages sans relief d’affection ou de souvenirs. Un lot dont on se dit chaque fois qu’il faudrait, un jour, le trier pour décider du sort de toutes ces âmes en peine…

            C’est au milieu de ces gens inconnus et de ces paysages tombés dans l’oubli que je la vis. Une jeune femme dont l’habit jurait étrangement avec l’élégance des personnages qui se profilaient sur d’autres photos. Elle portait une grosse veste ouatée d’un gris sale, une chapka* d’homme aux oreillettes rabattues. Elle posait en serrant contre sa poitrine un bébé emmitouflé d’une couverture de laine.

            « Comment a-t-elle pu se faufiler, me demandais-je avec stupeur, parmi ces homme en frac* et ces femmes en toilette du soir ? » Et puis autour d’elle, sur d’autres clichés, ces avenues majestueuses, ces colonnades, ces vues méditerranéennes. Sa présence était anachronique, déplacée, inexplicable. Dans ce passé familial, elle avait l’air d’une intruse avec son accoutrement que seules affichaient de nos jours les femmes qui, en hiver, déblayaient les amas de neige sur les routes…

            Je n’avais pas entendu ma grand-mère entrer. Elle posa sa main sur mon épaule. Je sursautai, puis en montrant la photo, je lui demandai :

            - Qui c’est, cette femme ?

            Un bref éclair d’affolement passa dans les yeux calmes de ma grand-mère. D’une voix presque nonchalante, elle répondit par une question :

            - Quelle femme ?

                                   Andrei Makine, Le Testament français, Mercure de France, 1995.

 

* Vers le milieu des années 1960.

* Révolution qui a renversé le régime des Tsars.

* Le « rideau de fer » fut construit après la Seconde Guerre mondiale pour empêcher les habitants des pays soviétiques de passer de l’Est à l’Ouest. Dans les années 1960, il est consolidé par le «  mur de Berlin ».

* Les cathédrales gothiques et les jardins à la Française sont typiques de l’Europe de l’Ouest.

* Chapka : coiffure en fourrure comportant des rabats pour protéger les oreilles.

* Frac : habit masculin noir de cérémonie 

          Questions : 1) Par quel procédés d'écriture le narrateur marque-t-il son étonnement ( par rapport a la découverte de la jeune femme ) 

                                2)a. Quel sentiment la vue de la photo éveille-t-elle chez la grand-mère du narrateur ?

                                   b. Caractérisez sa réaction.

 

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