le texte: J’étais à 16 000 lieues1 du lieu de ma naissance J’étais à Moscou, dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares Et je n’avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours Car mon adolescence était si ardente et si folle Que mon cœur tour à tour brûlait comme le temple d’Ephèse ou comme la Place Rouge de Moscou quand le soleil se couche. [...] J’avais faim Et tous les jours et toutes les femmes dans les cafés et tous les verres J’aurais voulu les boire et les casser Et toutes les vitrines et toutes les rues Et toutes les maisons et toutes les vies Et toutes les roues des fiacres2 qui tournaient en tourbillon sur les mauvais pavés J’aurais voulu les plonger dans une fournaise3 de glaives4 Et j’aurais voulu broyer tous les os Et arracher toutes les langues [Le poète se rend en Chine par le Transsibérien, plus longue ligne de chemin de fer du monde. Il est d’abord enthousiasmé par cette aventure.] Et pourtant, et pourtant J’étais triste comme un enfant Les rythmes du train La « moelle chemin-de-fer »5 des psychiatres américains Le bruit des portes des voix des essieux grinçant sur les rails congelés Le ferlin6 d’or de mon avenir Mon browning7 le piano et les jurons des joueurs de cartes dans le compartiment d’à côté L’épatante présence de Jeanne8 L’homme aux lunettes bleues qui se promenait nerveusement dans le couloir et qui me regardait en passant Froissis de femmes Et le sifflement de la vapeur9 Et le bruit éternel des roues en folie dans les ornières du ciel Les vitres sont givrées. Pas de nature ! Et derrière les plaines sibériennes, le ciel bas et les grandes ombres des Taciturnes10 qui montent et qui descendent […] Je reconnais tous les pays les yeux fermés à leur odeur Et je reconnais tous les trains au bruit qu’ils font. Les trains d’Europe sont à quatre temps tandis que ceux d’Asie sont à cinq ou sept temps. D’autres vont en sourdine, sont des berceuses Et il y en a qui dans le bruit monotone des roues me rappellent la prose lourde de Maeterlinck11. J’ai déchiffré tous les textes confus des roues et j’ai rassemblé les éléments épars d’une violente beautéQue je possède Et qui me force. BLAISE CENDRARS, Prose du Transsibérien et de
question: En quoi peut-on dire que ce poème est lyrique ? Donnez plusieurs arguments,