Bonjour. Besoin d aide svp
TEXTE DE LA NOUVELLE DE ZOLA: « A quoi rêvent les pauvres filles ? » (1870)
Elle a travaillé pendant douze heures. Elle a gagné quinze sous. Le soir, elle rentre à son
logement, le long des trottoirs blancs de gelée, grelottante sous sa mince écharpe noire,
maigre et furtive, avec cet air craintif des pauvres bêtes abandonnées.
Et, comme ses entrailles crient famine, elle achète quelque reste de charcuterie à bas prix,
qu'elle emporte à la main, plié dans un lambeau de journal. Puis essoufflée, elle gravit ses six
étages.
En haut, le grenier est désolé. Un bout de chandelle éclaire cette misère. Pas de feu. Le vent
passe sous la porte, si aigu, qu'il effare la flamme de la chandelle. Un lit, une table, une chaise.
Il fait si froid que l'eau du pot à eau a gelé.
Elle se hâte : elle se réchauffera peut-être un peu dans le lit, sous le paquet de ses vêtements
qu'elle entasse chaque soir à ses pieds. Vivement elle s'est assise devant la petite table; elle a
tiré un morceau de pain d'une armoire, elle mange sa charcuterie de cet air glouton et
indifférent des affamés. Quand elle a soif, il lui faut casser la glace du pot à eau.
C'est une enfant de dix-huit ans au plus. Pour avoir moins froid, elle n'a retiré ni son châle ni
son bonnet. Elle mange chez elle toute vêtue, en cachant par moments ses mains que le vent
bleuit. Si elle pouvait sourire, elle serait charmante; ses lèvres délicates, ses yeux d'un gris
tendre auraient une douceur exquise. Mais la souffrance a pincé sa bouche, et mis une dureté
morne dans son regard. Elle a le masque rigide et menaçant des misérables.
Elle regarde devant elle, vaguement, le cerveau vide, mangeant comme un animal qui se
dépêche. Puis ses yeux s'arrêtent sur le lambeau de journal, taché de graisse, qui lui sert
d'assiette. Elle lit, elle oublie d'achever son pain.
fille a
endles
quir
Il y a eu bal aux Tuileries, et elle apprend qu'on y a consommé une quantité prodigieuse de vin
et de mets: neuf mille bouteilles de champagne, trois mille gâteaux, six cents kilogrammes de
viande et le reste. Elle a un sourire singulier, elle se dit que ces gens doivent être bien gras.
Mais elle est femme, elle s'arrête d'avantage aux descriptions des toilettes. Elle lit :
«Madame de Metternich, robe blanche, avec ceinture violet foncé. Une rivière de diamants
soutenait un adorable fouillis de perles et de diamants.>>
Sa face est devenue plus dure. Pourquoi les autres ont-elles des rivières de diamants,
lorsqu'elle n'a pas une robe chaude à se mettre ? Elle continue : «L'impératrice en robe vert
tendre, recouverte d'une demi-jupe en tulle bouillonnant blanc, à lamé d'argent, garnie au bas
et au corsage de martre zibeline. Dans les cheveux, des fleurs en boule de neige et un simple
bandeau de diamants. Autour du cou, un velours noir sur lequel est appliquée une grecque en
diamants admirables. »
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