Bonsoir,
J'ai un commentaire sur l'incipit de la chambres des officiers de Marc Dugain, je n'arrive vraiment pas à faire mon plan alors si quelqu'un à une idée j'accepte volontiers !
Voici le texte en question:
"La guerre de 14, je ne l'ai pas connue. Je veux dire, la tranchée boueuse, l'humidité qui transperce les os, les gros rats noirs en pelage d'hiver qui se faufilent entre des détritus informes, les odeurs mélangées de tabac gris et dʼexcréments mal enterrés, avec, pour couvrir le tout, un ciel métallique uniforme qui se déverse à intervalles réguliers comme si Dieu nʼen finissait plus de sʼacharner sur le simple soldat.
Cʼest cette gare là que je nʼai pas connue.
Jʼai quitté mon village de Dordogne le jour de la mobilisation. Mon grand-père a couvert ma fuite de la maison de famille dans le silence du petit matin, pour éviter d’inutiles effusions. Jʼai chargé mon paquetage dans la carriole du vieil André. À la cadence du balancement de la croupe de sa jument brune, nous avons pris la direction de Lalinde. Ce nʼest que dans la descente de la gare qu’il sʼest décidé à me dire : « Ne pars pas trop longtemps mon garçon, ça va être une sacrée année pour les cèpes. »
À Lalinde, une dizaine de petits moustachus endimanchés dans leur vareuse se laissaient étreindre par des mères rougeaudes, en larmes. Comme je regardais le vieil André s’éloigner, un gros joufflu aux yeux comme des billes sʼest approché timidement de moi.
C’était Chabrol, un gars de Clermont-de-Beauregard que je nʼavais pas revu depuis la communale. Il était là, seul, sans famille, sans adieux. Il redoutait de prendre le train pour la première fois, s’inquiétait des changements. Pour se rassurer, il tirait à petite gorgée sur une gourde accrochée à sa ceinture. C’était un mélange d’eau-de-vie de prune et de monbazillac. Il y en avait trois litres dans son sac, trois litres pour trois semaines de guerre, puisqu'on lui avait dit qu'on leur mettre la pâtée en trois semaines, aux Allemands. Ce gros communiant qui sentait un drôle de vin demain de messe s’installa à côté de moi pour ne plus me quitter des yeux."