Bonsoir je peux avoir une longue citation du livre “mémoire d’une jeune fille rangée” de Simone de Beauvoir et son importance dans le livre? Merci beaucoup
Je me crus autorisée moi aussi à considérer mon goût pour les livres, mes succès scolaires, comme le gage d’une valeur que confirmerait mon avenir. Je devins à mes propres yeux un personnage de roman. Toute intrigue romanesque exigeant des obstacles et des échecs, je m’en inventai.
ou
J’avais réussi à me délivrer intérieurement des clichés dont les adultes accablent l’enfance : j’osais mes émotions, mes rêves, mes désirs, et même certains mots. Mais je n’imaginais pas qu’on pût communiquer sincèrement avec autrui. Dans les livres, les gens se font des déclarations d’amour, de haine, ils mettent leur cœur en phrases ; dans la vie, jamais on ne prononce de paroles qui pèsent.
ou
Depuis sept ans , je me confessais deux fois par mois à l'abbé Martin; je l'entretenais de mes états d'âme; je m'accusais d'avoir communié sans ferveur, d'avoir prié du bout des lèvres, trop rarement pensé à Dieu; à ces défaillances éthérées, il répondais par un sermon d'un style élevé. Un jour, au lieu de se conformer à ces rites, il se mis à me parler sur un ton familier. "Il m'est venu aux oreilles que ma petite Simone a changé... qu'elle est désobéissante, turbulente, qu'elle répond quand on la gronde... Désormais il faudra faire attention à ces choses." Mes joues s'embrasèrent, je regardait avec horreur l'imposteur que j'avais pendant des années pris pour le représentant de Dieu : brusquement il venait de retrousser sa soutane, découvrant des jupons de bigote; sa robe de prêtre n'était qu'un travesti; elle habillait une commère qui se repaissait de ragots.
ou
Demain j'allais trahir ma classe et déjà je reniais mon sexe; cela non plus, mon père ne s'y résignait pas: il avait le culte de la jeune fille, la vraie. Ma cousine Jeanne incarnait cet idéal: elle croyait encore que les enfants naissaient dans les choux.Mon père avait tenté de préserver mon ignorance; il disait autrefois que lorsque j'aurais dix-huit ans il m'interdirait encore les Contes de François Coppée; maintenant, il acceptait que je lise n'importe quoi: mais il ne voyait pas beaucoup de distance entre une fille avertie, et la Garçonne dont, dans un livre infâme, Victor Margueritte venait de trac
ou
Le premier de mes bonheurs, c'était, au petit matin, de surprendre le réveil des prairies ; un livre à la main, je quittais la maison endormie, je poussais la barrière ; impossible de m'asseoir sur l'herbe embuée de gelée blanche ; je marchais sur l'avenue, le long du pré planté d'arbres choisis que grand-père appelait "le parc paysagé" ; je lisais, à petits pas, et je sentais contre ma peau la fraîcheur de l'air s'attendrir ; le mince glacis qui voilait la terre fondait doucement ; les hêtres pourpres, les cèdres bleus, les peupliers argentés brillaient d'un éclat aussi neuf qu'au premier matin du paradis : et moi j'étais seule à porter la beauté du monde, et la gloire de Dieu, avec au creux de l'estomac un rêve de chocolat et de pain grillé.
ou
Ce qui m'attira surtout dans la philosophie, c'est que je pensais qu'elle allait droit à l'essentiel. Je n'avais jamais eu le goût du détail ; je percevais le sens global des choses plutôt que leurs singularités, et j'aimais mieux comprendre que voir ; j'avais toujours souhaité connaître tout ; la philosophie me permettrait d'assouvir ce désir, car c'est la totalité du réel qu'elle visait ; elle s'installait tout de suite en son cœur et me découvrait, au lieu d'un décevant tourbillon de faits ou de lois empiriques, un ordre, une raison, une nécessité. Sciences, littérature, toutes les autres disciplines me parurent des parents pauvres.
ou
j'ai 20ans et j'ai lu ces mémoires l'année dernière. Je ne saurais dire pour quels raisons (l'âge, mon entrée à la fac, le début de ma vie d'adulte...), mais je me suis vraiment retrouvée à travers ce fabuleux livre de Simone de Beauvoir, que je ne connaissais alors que de nom. Jamais personne n'a réussis à m'atteindre, avec des mots si juste. Avec cette lecture je l'es découverte en tant que femme, mais surtout, je crois que j'en ai appris beaucoup plus sur moi-même.
Je ne regrette qu'une chose: que cette femme est vécue un siècle trop tôt, ou peut être que je soit née un siècle trop tard...
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arianechp
Merci a vous,auriez vous une explication pour connaître l’importance d’une de ces citations dans le livre (pourquoi l’avoir choisi et son importance dans l’œuvre)?? C’est super déjà merci
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Explications :
Je me crus autorisée moi aussi à considérer mon goût pour les livres, mes succès scolaires, comme le gage d’une valeur que confirmerait mon avenir. Je devins à mes propres yeux un personnage de roman. Toute intrigue romanesque exigeant des obstacles et des échecs, je m’en inventai.
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J’avais réussi à me délivrer intérieurement des clichés dont les adultes accablent l’enfance : j’osais mes émotions, mes rêves, mes désirs, et même certains mots. Mais je n’imaginais pas qu’on pût communiquer sincèrement avec autrui. Dans les livres, les gens se font des déclarations d’amour, de haine, ils mettent leur cœur en phrases ; dans la vie, jamais on ne prononce de paroles qui pèsent.
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Depuis sept ans , je me confessais deux fois par mois à l'abbé Martin; je l'entretenais de mes états d'âme; je m'accusais d'avoir communié sans ferveur, d'avoir prié du bout des lèvres, trop rarement pensé à Dieu; à ces défaillances éthérées, il répondais par un sermon d'un style élevé. Un jour, au lieu de se conformer à ces rites, il se mis à me parler sur un ton familier. "Il m'est venu aux oreilles que ma petite Simone a changé... qu'elle est désobéissante, turbulente, qu'elle répond quand on la gronde... Désormais il faudra faire attention à ces choses." Mes joues s'embrasèrent, je regardait avec horreur l'imposteur que j'avais pendant des années pris pour le représentant de Dieu : brusquement il venait de retrousser sa soutane, découvrant des jupons de bigote; sa robe de prêtre n'était qu'un travesti; elle habillait une commère qui se repaissait de ragots.
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Demain j'allais trahir ma classe et déjà je reniais mon sexe; cela non plus, mon père ne s'y résignait pas: il avait le culte de la jeune fille, la vraie. Ma cousine Jeanne incarnait cet idéal: elle croyait encore que les enfants naissaient dans les choux.Mon père avait tenté de préserver mon ignorance; il disait autrefois que lorsque j'aurais dix-huit ans il m'interdirait encore les Contes de François Coppée; maintenant, il acceptait que je lise n'importe quoi: mais il ne voyait pas beaucoup de distance entre une fille avertie, et la Garçonne dont, dans un livre infâme, Victor Margueritte venait de trac
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Le premier de mes bonheurs, c'était, au petit matin, de surprendre le réveil des prairies ; un livre à la main, je quittais la maison endormie, je poussais la barrière ; impossible de m'asseoir sur l'herbe embuée de gelée blanche ; je marchais sur l'avenue, le long du pré planté d'arbres choisis que grand-père appelait "le parc paysagé" ; je lisais, à petits pas, et je sentais contre ma peau la fraîcheur de l'air s'attendrir ; le mince glacis qui voilait la terre fondait doucement ; les hêtres pourpres, les cèdres bleus, les peupliers argentés brillaient d'un éclat aussi neuf qu'au premier matin du paradis : et moi j'étais seule à porter la beauté du monde, et la gloire de Dieu, avec au creux de l'estomac un rêve de chocolat et de pain grillé.
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Ce qui m'attira surtout dans la philosophie, c'est que je pensais qu'elle allait droit à l'essentiel. Je n'avais jamais eu le goût du détail ; je percevais le sens global des choses plutôt que leurs singularités, et j'aimais mieux comprendre que voir ; j'avais toujours souhaité connaître tout ; la philosophie me permettrait d'assouvir ce désir, car c'est la totalité du réel qu'elle visait ; elle s'installait tout de suite en son cœur et me découvrait, au lieu d'un décevant tourbillon de faits ou de lois empiriques, un ordre, une raison, une nécessité. Sciences, littérature, toutes les autres disciplines me parurent des parents pauvres.
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j'ai 20ans et j'ai lu ces mémoires l'année dernière. Je ne saurais dire pour quels raisons (l'âge, mon entrée à la fac, le début de ma vie d'adulte...), mais je me suis vraiment retrouvée à travers ce fabuleux livre de Simone de Beauvoir, que je ne connaissais alors que de nom. Jamais personne n'a réussis à m'atteindre, avec des mots si juste. Avec cette lecture je l'es découverte en tant que femme, mais surtout, je crois que j'en ai appris beaucoup plus sur moi-même.
Je ne regrette qu'une chose: que cette femme est vécue un siècle trop tôt, ou peut être que je soit née un siècle trop tard...
C’est super déjà merci