L'apparence désigne ce par quoi une chose apparaît ; elle est donc liée à la chose même dont elle constitue la manifestation. On peut alors se demander si la perception elle-même peut être erronée. Dans le sens littéral du terme 'tromperie', les apparences ne peuvent en aucun cas être dites trompeuses. Elles semblent pourtant induire en erreur sur la nature réelle des choses, et, en ce sens, peuvent être dites trompeuses. Cela même est-il exact : peut-on vraiment dire que les apparences, les choses telles qu’elles sont pour nous, en particulier dans le domaine sensible, nous induisent en erreur ?
N’est-ce pas plutôt la perception qui l’est, en ce qu’elle comporte un jugement sur l’objet de la perception ?
Dès lors, il semble possible de dire que ce ne sont pas tant les apparences livrées par les sens qui sont trompeuses que le crédit que nous accordons à ces apparences, c’est-à-dire que c’est l’interprétation que nous faisons de la réalité, en attribuant une signification erronée à ce que nous sentons, qui est trompeuse, et non les informations sensorielles que nous possédons de façon brute et expérimentale. Par ailleurs, il ne semble pas correct de dire que les apparences sont toujours trompeuses. En effet, ce constat ne prend pas en compte le fait que l’esprit peut corriger les sens en multipliant les expériences des choses, soit en faisant en sorte de corriger les sens par les sens eux-mêmes. Autrement dit, ce ne sont pas vraiment les apparences livrées par les sens qui sont trompeuses mais plutôt le crédit que nous leur accordons, c’est-à-dire l'interprétation de la réalité que nous en faisons en donnant un sens erroné à ce que nous sentons. Les prisonniers de la caverne de Platon ne se méprennent donc non pas sur les apparences mais ils échouent dans l'interprétation qu'ils en font. La question ne serait alors plus de savoir jusqu'à quel point il faut se méfier des apparences. Trompeuses ou non, l'expérience que nous en avons constitue de fait notre première voie d'accès à ce que sont les choses. D'après certains philosophes, c'est parce que toute conscience comprend le monde tel qu'il lui apparaît que l'expérience est possible et peut conduire le sujet à la connaissance des structures constitutives du monde objectif. Ainsi, le point de vue empiriste se fonde sur une lecture du monde sensible comme ensemble de phénomènes apparents qui ne sont pas trompeurs par eux-mêmes et dont il faut même affirmer qu'ils sont les seuls éléments d'une vérité que nous devons construire non pas parce que les apparences seraient trompeuses mais parce que nous sommes limités dans nos moyens d'interprétation du monde. C’est dans cette optique empiriste que Locke écrit, dans l’Essai sur l’entendement humain : "Au commencement, l’âme est ce que l’on appelle une table rase, vide de tous caractères, sans aucune idée quelle qu’elle soit. Comment vient-elle à recevoir des idées ? […] A cela, je réponds, en un mot, de l’expérience : c’est là le fondement de toutes nos connaissances, et c’est de là qu’elles tirent leur première origine". Nous n’avons donc pas vraiment d’autre moyen à notre disposition que le monde sensible, soit nos sens et l’expérience sensible, pour construire notre connaissance, c’est-à-dire que c’est l’apport des informations sensorielles qui nous permet de construire notre compréhension du monde. Ainsi, ce ne serait pas l’apparence qui fait l’erreur, mais l’oubli qu’il s’agit d’une apparence : dire d’un objet qu’il est, alors qu’il paraît.
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Bonjour,
L'apparence désigne ce par quoi une chose apparaît ; elle est donc liée à la chose même dont elle constitue la manifestation. On peut alors se demander si la perception elle-même peut être erronée. Dans le sens littéral du terme 'tromperie', les apparences ne peuvent en aucun cas être dites trompeuses. Elles semblent pourtant induire en erreur sur la nature réelle des choses, et, en ce sens, peuvent être dites trompeuses. Cela même est-il exact : peut-on vraiment dire que les apparences, les choses telles qu’elles sont pour nous, en particulier dans le domaine sensible, nous induisent en erreur ?
N’est-ce pas plutôt la perception qui l’est, en ce qu’elle comporte un jugement sur l’objet de la perception ?
Dès lors, il semble possible de dire que ce ne sont pas tant les apparences livrées par les sens qui sont trompeuses que le crédit que nous accordons à ces apparences, c’est-à-dire que c’est l’interprétation que nous faisons de la réalité, en attribuant une signification erronée à ce que nous sentons, qui est trompeuse, et non les informations sensorielles que nous possédons de façon brute et expérimentale. Par ailleurs, il ne semble pas correct de dire que les apparences sont toujours trompeuses. En effet, ce constat ne prend pas en compte le fait que l’esprit peut corriger les sens en multipliant les expériences des choses, soit en faisant en sorte de corriger les sens par les sens eux-mêmes. Autrement dit, ce ne sont pas vraiment les apparences livrées par les sens qui sont trompeuses mais plutôt le crédit que nous leur accordons, c’est-à-dire l'interprétation de la réalité que nous en faisons en donnant un sens erroné à ce que nous sentons. Les prisonniers de la caverne de Platon ne se méprennent donc non pas sur les apparences mais ils échouent dans l'interprétation qu'ils en font. La question ne serait alors plus de savoir jusqu'à quel point il faut se méfier des apparences. Trompeuses ou non, l'expérience que nous en avons constitue de fait notre première voie d'accès à ce que sont les choses. D'après certains philosophes, c'est parce que toute conscience comprend le monde tel qu'il lui apparaît que l'expérience est possible et peut conduire le sujet à la connaissance des structures constitutives du monde objectif. Ainsi, le point de vue empiriste se fonde sur une lecture du monde sensible comme ensemble de phénomènes apparents qui ne sont pas trompeurs par eux-mêmes et dont il faut même affirmer qu'ils sont les seuls éléments d'une vérité que nous devons construire non pas parce que les apparences seraient trompeuses mais parce que nous sommes limités dans nos moyens d'interprétation du monde. C’est dans cette optique empiriste que Locke écrit, dans l’Essai sur l’entendement humain : "Au commencement, l’âme est ce que l’on appelle une table rase, vide de tous caractères, sans aucune idée quelle qu’elle soit. Comment vient-elle à recevoir des idées ? […] A cela, je réponds, en un mot, de l’expérience : c’est là le fondement de toutes nos connaissances, et c’est de là qu’elles tirent leur première origine". Nous n’avons donc pas vraiment d’autre moyen à notre disposition que le monde sensible, soit nos sens et l’expérience sensible, pour construire notre connaissance, c’est-à-dire que c’est l’apport des informations sensorielles qui nous permet de construire notre compréhension du monde. Ainsi, ce ne serait pas l’apparence qui fait l’erreur, mais l’oubli qu’il s’agit d’une apparence : dire d’un objet qu’il est, alors qu’il paraît.
La suite en PJ ça ne rentre pas ...