« La victoire ouvrière de Carmaux donnera un élan nouveau à la démocratie », annonce Jean Jaurès au lendemain de la fin de la grève de 1892. Celui qui devient alors la nouvelle voix des ouvriers se réjouit de l’issue victorieuse de cette lutte difficile contre la Société anonymes des mines de Carmaux (S.M.C.). Cette société appartenait au baron Reille, l’homme fort de la droite dans le Tarn, et à son gendre, le marquis de Solages, député de la circonscription.
Le 15 mai 1892, un mineur de 38 ans, Jean-Baptiste Calvignac était élu maire de Carmaux. Leader syndical et socialiste, il représente alors la possibilité pour la classe ouvrière à s’exprimer en politique. Le 2 août, il est renvoyé de la mine après avoir refusé de choisir entre ses fonctions de maire et son emploi dans la Compagnie. Son licenciement provoque une colère sans précédent parmi les mineurs. Pour les ouvriers de la mine, cela s’apparente à un déni du suffrage universel. Jean Jaurès, alors retiré du combat politique après sa défaite à Toulouse en 1889, rejoint le combat.
Face à la contestation qui suit le renvoi de Calvignac, le directeur de la mine, M. Humblot démissionne, suivi par le marquis de Solages qui abandonne son mandat de député en octobre 1892. Sur les 3 000 mineurs qui travaillent d’ordinaire à la mine, près de 2 500 sont en grève. Jean Jaurès, à travers ses article dans La Dépêche, prend fait et cause pour les ouvriers : « La Compagnie, en faisant du bulletin de vote une dérision, a criminellement provoqué la violence des ouvriers, » écrit-il.
La grève, qui commence officiellement le 16 août, dure trois mois et demi. Les mineurs de Carmaux reçoivent de l’aide de toute la France. Des souscriptions sont ouvertes dans de nombreuses villes ouvrières, et des aides financières parfois considérables affluent, même de l’étranger. Ainsi soutenus, les mineurs tiennent bon. Le gouvernement hésite à envoyer l’armée, mais ne mobilise que des gendarmes, qui patrouillent jour et nuit, pour assurer la « liberté du travail ».
Le 18 octobre 1892, le député du Cher, Eugène Baudin, interpelle le gouvernement. Il expose les motifs de la grève et soutient sa légitimité. Emile Loubet, président du Conseil, donne gain de cause aux ouvriers. Le 3 novembre, les mineurs, victorieux, reprennent le travail.
Cette grève représente finalement une lutte pour la liberté d’opinion, avec la défense du mandat de Calvignac. Puni pour son engagement politique, le maire de Carmaux représentait l’expression populaire, la voix des ouvriers. Cette lutte a également des répercussions politiques, après la démission du marquis de Solages. L’élection partielle est fixée en janvier 1893. Les ouvriers appellent Jean Jaurès, natif du Tarn, et leur soutien le plus audible durant les 72 jours de grève.
La grève de Carmaux est l’événement qui montre à Jaurès la voie du socialisme. D’abord sceptique sur la compatibilité entre les valeurs républicaine et cette idéologie radicale, il devient, à partir de 1892, le porte-parole des travailleurs. A Toulouse, en 1908, il décrit ce qu’il a compris du socialisme républicain :
Nous disons que dans un parti vraiment et résolument socialiste, l’esprit révolutionnaire réel est en proportion de l’action réformatrice efficace et que l’action réformatrice efficace est en proportion de la vigueur même de la pensée et de l’esprit.
C’est à Carmaux que Jaurès comprend que la lutte syndicale est tout à fait compatible avec son idéal républicain. Le socialisme de Jaurès est réformiste et progressiste. Il entend utiliser le suffrage universel pour défendre la cause des travailleurs, et il le fera à l’Assemblée, ou dans ses journaux, pour orienter le débat public en faveur des ouvriers.
La victoire de Jaurès à Carmaux est complète lorsqu’il est appelé pour remplacer le marquis de Solages. Son retour à la chambre en 1893 se fait sous l’étiquette « Socialiste indépendant ». Il l’emporte avec 1 172 voix d’avance, celles des mineurs de Carmaux.
Retrouvez le discours de J.Jaurès, à la Chambre, suite à la grève des mineurs de Carmaux
Lista de comentários
« La victoire ouvrière de Carmaux donnera un élan nouveau à la démocratie », annonce Jean Jaurès au lendemain de la fin de la grève de 1892. Celui qui devient alors la nouvelle voix des ouvriers se réjouit de l’issue victorieuse de cette lutte difficile contre la Société anonymes des mines de Carmaux (S.M.C.). Cette société appartenait au baron Reille, l’homme fort de la droite dans le Tarn, et à son gendre, le marquis de Solages, député de la circonscription.
Le 15 mai 1892, un mineur de 38 ans, Jean-Baptiste Calvignac était élu maire de Carmaux. Leader syndical et socialiste, il représente alors la possibilité pour la classe ouvrière à s’exprimer en politique. Le 2 août, il est renvoyé de la mine après avoir refusé de choisir entre ses fonctions de maire et son emploi dans la Compagnie. Son licenciement provoque une colère sans précédent parmi les mineurs. Pour les ouvriers de la mine, cela s’apparente à un déni du suffrage universel. Jean Jaurès, alors retiré du combat politique après sa défaite à Toulouse en 1889, rejoint le combat.
Face à la contestation qui suit le renvoi de Calvignac, le directeur de la mine, M. Humblot démissionne, suivi par le marquis de Solages qui abandonne son mandat de député en octobre 1892. Sur les 3 000 mineurs qui travaillent d’ordinaire à la mine, près de 2 500 sont en grève. Jean Jaurès, à travers ses article dans La Dépêche, prend fait et cause pour les ouvriers : « La Compagnie, en faisant du bulletin de vote une dérision, a criminellement provoqué la violence des ouvriers, » écrit-il.
La grève, qui commence officiellement le 16 août, dure trois mois et demi. Les mineurs de Carmaux reçoivent de l’aide de toute la France. Des souscriptions sont ouvertes dans de nombreuses villes ouvrières, et des aides financières parfois considérables affluent, même de l’étranger. Ainsi soutenus, les mineurs tiennent bon. Le gouvernement hésite à envoyer l’armée, mais ne mobilise que des gendarmes, qui patrouillent jour et nuit, pour assurer la « liberté du travail ».
Le 18 octobre 1892, le député du Cher, Eugène Baudin, interpelle le gouvernement. Il expose les motifs de la grève et soutient sa légitimité. Emile Loubet, président du Conseil, donne gain de cause aux ouvriers. Le 3 novembre, les mineurs, victorieux, reprennent le travail.
Cette grève représente finalement une lutte pour la liberté d’opinion, avec la défense du mandat de Calvignac. Puni pour son engagement politique, le maire de Carmaux représentait l’expression populaire, la voix des ouvriers. Cette lutte a également des répercussions politiques, après la démission du marquis de Solages. L’élection partielle est fixée en janvier 1893. Les ouvriers appellent Jean Jaurès, natif du Tarn, et leur soutien le plus audible durant les 72 jours de grève.
La grève de Carmaux est l’événement qui montre à Jaurès la voie du socialisme. D’abord sceptique sur la compatibilité entre les valeurs républicaine et cette idéologie radicale, il devient, à partir de 1892, le porte-parole des travailleurs. A Toulouse, en 1908, il décrit ce qu’il a compris du socialisme républicain :
Nous disons que dans un parti vraiment et résolument socialiste, l’esprit révolutionnaire réel est en proportion de l’action réformatrice efficace et que l’action réformatrice efficace est en proportion de la vigueur même de la pensée et de l’esprit.
C’est à Carmaux que Jaurès comprend que la lutte syndicale est tout à fait compatible avec son idéal républicain. Le socialisme de Jaurès est réformiste et progressiste. Il entend utiliser le suffrage universel pour défendre la cause des travailleurs, et il le fera à l’Assemblée, ou dans ses journaux, pour orienter le débat public en faveur des ouvriers.
La victoire de Jaurès à Carmaux est complète lorsqu’il est appelé pour remplacer le marquis de Solages. Son retour à la chambre en 1893 se fait sous l’étiquette « Socialiste indépendant ». Il l’emporte avec 1 172 voix d’avance, celles des mineurs de Carmaux.
Retrouvez le discours de J.Jaurès, à la Chambre, suite à la grève des mineurs de Carmaux