Eteocle, Polynice et Antigone sont les enfants d’Œdipe. Au départ de ce dernier, les deux frères, Etéocle et Polynice, s’entretuent pour accéder au pouvoir. C’est finalement Créon, l’oncle, qui devient roi. L’action de la tragédie Antigone se situe au moment où le nouveau roi Créon vient d’offrir de magnifiques funérailles à Etéocle. Antigone, se bat pour faire enterrer son autre frère Polynice, ce qu’a formellement interdit Créon.
CRÉON
Pauvre Antigone, avec ta fleur de cotillon ! Sais-tu qui était ton frère ?
ANTIGONE
Je savais que vous me diriez du mal de lui en tout cas !
CRÉON
Un petit fêtard imbécile, un petit carnassier dur et sans âme, une petite brute tout juste bonne à aller plus vite que les autres avec ses voitures, à dépenser plus d’argent dans les bars. Une fois, j’étais là, ton père venait de lui refuser une grosse somme qu’il avait perdue au jeu ; il était devenu tout pâle et il a levé le poing en criant un mot ignoble !
ANTIGONE
Ce n’est pas vrai !
CRÉON
Son poing de brute à toute volée dans le visage de ton père ! C’était pitoyable. Ton père était assis à sa table, la tête dans ses mains. Il saignait du nez. Il pleurait. Et, dans son coin de bureau, Polynice, ricanant, qui allumait une cigarette.
ANTIGONE supplie presque maintenant.
Ce n’est pas vrai !
CRÉON
Rappelle-toi, tu avais douze ans. Vous ne l’avez pas revu pendant longtemps. C’est vrai, cela ?
ANTIGONE, sourdement.
Oui, c’est vrai.
CRÉON
C’était après cette dispute. Ton père n’a pas voulu le faire juger. Il s’est engagé dans l’armée argyenne . Et, dès qu’il a été chez les Argiens, la chasse à l’homme a commencé contre ton père, contre ce vieil homme qui ne se décidait pas à mourir, à lâcher son royaume. Les attentats se succédaient et les tueurs que nous prenions finissaient toujours par avouer qu’ils avaient reçu de l’argent de lui. Pas seulement de lui, d’ailleurs. Car c’est cela que je veux que tu saches, les coulisses de ce drame où tu brûles de jouer un rôle, la cuisine. J’ai fait hier des funérailles grandioses à Étéocle. Étéocle est un héros et un saint pour Thèbes maintenant. Tout le peuple était là.
Les enfants des écoles ont donné des sous de leur tirelire pour la couronne ; des vieillards faussement émus, ont magnifié , avec des trémolos dans la voix, le bon frère, le fils fidèle d’Œdipe, le prince royal (…) Et les honneurs militaires. Il fallait bien. Tu penses que je ne pouvais tout de même pas m’offrir le luxe d’une crapule dans les deux camps. Mais je vais te dire quelque chose, à toi, quelque chose que je sais seul, quelque chose d’effroyable : Étéocle, ce prix de vertu ne valait pas plus cher que Polynice. Le bon fils avait essayé, lui aussi de faire assassiner son père, le prince royal avait décidé, lui aussi de vendre Thèbes au plus offrant . Oui crois-tu que c’est drôle ? Cette trahison pour laquelle le corps de Polynice est en train de pourrir au soleil, j’ai la preuve maintenant qu’Étéocle, qui dort dans son tombeau de marbre, se préparait, lui aussi, à la commettre. C’est un hasard si Polynice a réussi son coup avant lui.
Jean Anouilh Antigone, 1946
Bonjour est ce que ce serait possible de m'aider a repondre au question avec le texte ci dessus :
1) En vous appuyant sur la présentation du texte et sur le paratexte, dites à quel genre littéraire cet extrait appartient. Donnez deux indices pour justifier votre réponse. (1,5 point)
2) Des lignes 26 à 46 expliquez ce que Créon souhaite prouver à Antigone. Justifiez votre réponse en citant le texte. (1 point)
3) Comment Antigone réagit-elle aux propos de Créon ? Justifiez votre réponse. (1 point)
4) « Ce n’est pas vrai ! » (l.19) Indiquez le type et la forme de cette phrase. (1 point)
5) « Mais je vais te dire quelque chose, à toi, quelque chose que je sais seul, quelque chose d’effroyable (…) » (lignes 39 à 40) : quelle est la figure de style utilisée ici par Créon dans le but d’insister ? (1 point)
6) Dans l’extrait, relevez trois groupes nominaux que Créon utilise pour caractériser Polynice. Le portrait qu’il dresse est-il mélioratif ou péjoratif ? (2 points)
7) Comment appelle-t-on une longue réplique ? Qui, selon vous, dans cette scène, mène le dialogue ? Pourquoi ? (1,5 point)
8) « Tu penses que je ne pouvais tout de même pas m’offrir le luxe d’une crapule dans les deux camps » (l. 38 à 39) : qui est désigné par le terme « crapule » ? Quel est le camp choisi par Créon ? Et pourquoi ? (1,5 point)
9) « Mais je vais te dire quelque chose (…) » (ligne 39) : à quel temps et à quel mode le verbe souligné est-il conjugué ? Quelle est la valeur de ce temps ? (1,5 point)
10) À la fin de l’extrait, quel est l’aveu de Créon à Antigone ? (1 point)
11) Selon vous, quelle réaction Créon veut-il provoquer chez Antigone ? Pourquoi ? (2 points)