January 2021 1 139 Report
La haine et le besoin d’affection m’avaient pris tout ensemble
dès mes premiers échecs. Il s’agissait d’amadouer l’ogre scolaire. Tout
faire pour qu’il ne me dévore pas le cœur. Collaborer, par exemple, au
cadeau d’anniversaire de ce professeur de sixième qui, pourtant, notait
mes dictées négativement : « Moins 38, Pennacchioni, la température est
de plus en plus basse ! » Me creuser la tête pour choisir ce qui ferait
vraiment plaisir à ce salaud, organiser la quête parmi les élèves et
fournir moi-même le complément, vu que le prix de l’affreuse merveille
dépassait le montant de la cagnotte.
Il y avait des coffres-forts dans les maisons bourgeoises de
l’époque. J’entrepris de crocheter celui de mes parents pour participer
au cadeau de mon tortionnaire. C’était un de ces petits coffres sombres
et trapus, où dorment les secrets de famille. Une clef, une molette à
chiffres, une autre à lettres. Je savais où mes parents rangeaient la
clef mais il me fallut plusieurs nuits pour trouver la combinaison.
Molette, clef, porte close. Molette, clef, porte close. Porte close.
Porte close. On se dit qu’on n’y arrivera jamais. Et voilà que soudain,
déclic, la porte s’ouvre ! On en reste sidéré. Une porte ouverte
sur le monde secret des adultes. Secrets bien sages en l’occurrence
:quelques obligations, je suppose, des emprunts russes qui dormaient là
en espérant leur résurrection, le pistolet d’ordonnance d’un
grand-oncle, dont le chargeur était plein mais dont on avait limé le
percuteur, et de l’argent aussi, pas beaucoup, quelques billets, d’où je
prélevai la dîme nécessaire au financement du cadeau. Voler pour
acheter l’affection des adultes… Ce n’était pas exactement du vol et ça
n’acheta évidemment aucune affection.Le pot aux roses fut découvert
lorsque, durant cette même année, j’offris à ma mère un de ces affreux
jardins japonais qui étaient alors à la mode et qui coûtaient les yeux
de la tête.
L’événement eut trois conséquences : ma mère pleura (ce qui
était rare), persuadée d’avoir mis au monde un perceur de coffres (le
seul domaine où son dernier-né manifestait une indiscutable précocité), on
me mit en pension, et ma vie durant je fus incapable de faucher quoi
que ce soit, même quand le vol devint culturellement à la mode chez les
jeunes gens de ma génération.


1) Relevez les indice du texte permettant de conclure qu'il s'agit d'un récit autobiographie
2) Relevez un verbe qui se rapporte au moment de l'ecriture. Nommez le temps employé et sa valeur
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