Ulysse et les sirènes Récit de Viviane Koenig, d'après / Adssée d'Homère. Lorsque, après dix ans de guerre, les Grecs prennent enfin la ville de Troie, Ulysse, le plus courageux de leurs chefs, ne rêve que de retrouver Ithaque, sa charmante cité. La vie y est douce, les oliviers chargés de fruits, les fleurs délicieusement parfumées, le ciel plus bleu que partout ailleurs... Mais Poseidon, le dieu des Océans, en a décidé autrement et, pendant de longues années, Ulysse devait connaitre la plus extraordinaire des épo- pées. Il affronte de violentes tempêtes, rencontre de terribles adversaires : Cyclope, le géant à l'oeil unique, Circée, la redoutable magicienne... En ce jour maudit des dieux, Ulysse et ses marins doivent une fois de plus quitter la terre à la hâte. «Ne perdons pas un instant, retournez à vos bancs, empoignez vos rames, larguez les amarres ! », crie Ulysse avec fougue. Les hommes obéissent. Leurs rames battent les flots. Le navire s'éloigne rapidement du rivage. La brise gonfle les voiles. Arrivés en pleine mer, les marins se reposent enfin, tandis qu'Ulysse les appelle: « Mes amis, je ne veux rien vous cacher. Un terrible danger nous attend avant de retrouver notre chère Ithaque. Nous devons bientôt longer le pays des Sirènes. Ce sont des monstres, mi-femmes, mi-oiseaux, aux chants merveilleux. Prenez garde ! car leurs voix entrainent les marins au fond des eaux. Ecoutez-moi bien ! Quand le moment sera venu, vous m'atta- cherez solidement au mat du bateau car je veux entendre leurs chants sans pouvoir sauter dans les eaux bleues. Si je vous supplie de desserrer les noeuds qui m'emprisonnent, désobéissez et donnez un tour de plus à mes liens. Maintenant, retournez à vos postes. » Alors Ulysse, l'homme aux mille ruses, coupe avec son poignard de bronze un grand morceau de cire. A pleines mains, il l'écrase et le pétrit longuement entre ses doigts puissants. Puis, de banc en banc, il s'avance et bouche les oreilles de ses hommes. Ulysse adresse ensuite un signe à ses deux fidèles compagnons qui aussitôt ligotent ses bras et ses jambes au mât. La corde est épaisse. Les noeuds sont solides. Le navire poursuit son chemin. Un bon vent le pousse. Soudain, la brise tombe; un calme étrange gagne la mer et le ciel. Plus rien ne bouge. Les marins baissent les voiles désormais inutiles et reprennent leurs rames. Ils frappent les flots en cadence. Une écume blanche embellit les flots bleus. Le navire fonce, mais les sirènes l'aperçoivent. Elles volent doucement dans les cieux, s'approchent, tournent autour du bateau, chantent une mé lodie si belle, si douce qu'Ulysse est aussitôt envouté. w Viens ici, viens à nous ! Ulysse tant vanté ! Arrête ton navire, viens écouter nos voix. Jamais aucun navire n'a doublé notre cap sans écouter les doux airs qui sortent de nos lèvres... Viens Ulysse... Viens ! » Elles chantent et leurs voix admirables remplissent le cœur d'Ulysse d'un immense bonheur. Il fronce les sourcils pour donner à ses gens l'ordre de défaire ses liens. Ensorcelé, il se tortille, tente désespérément de se détacher mais heureusement ses noeuds ne cèdent pas. Il implore ses marins de le détacher, mais il crie en vain. Les marins n'entendent ni la voix magique des sirènes, ni les ordres d'Ulysse. Courbés sur leurs bancs, ils plongent leurs rames en cadence dans la mer. Voyant l'agitation de leur maitre, les deux fidèles compagnons resserrent ses liens pour le maintenir encore plus solidement au mắt... Et le bateau poursuit sa route, au grand désespoir des Sirènes, furieuses de n'avoir pu ensorceler ces hommes. Quelques temps plus tard, les ma- rins sont enfin surs d'avoir dépassé le pays dangereux. Ils enlèvent à la hâte la cire de leurs oreilles et détachent Ulysse, toujours ficelé au mât. A l'horizon, on ne voit plus que la mer et le ciel. La route sera encore bien longue pour Ulysse et ses compagnons. Ils s retrouveront Ithaque, leur belle cité, que bien des années plus tard. I nombreuses aventures les attendent sur leur route héroïque.