Bonjour à tous, j'ai un soucis de compréhension avec ce texte de Sartre et je dois faire un commentaire de texte. Pourriez vous m'aider et me dire ce que veut dire Sartre dans ce passage.
Merci à tous ceux qui voudront m'aider.
Il la mangeait des yeux. Cette phrase et beaucoup d’autres signes marquent assez l’illusion commune au réalisme et à l’idéalisme, selon laquelle connaître, c’est manger. La philosophie française, après cent ans d’académisme, en est encore là. Nous avons tous lu Brunschvicg, Lalande et Meyerson, nous avons tous cru que l’Esprit-Araignée attirait les choses dans sa toile, les couvrait d’une bave blanche et lentement les déglutissait, les réduisait à sa propre substance. Qu’est-ce qu’une table, un rocher, une maison? Un certain assemblage de « contenus de conscience’, un ordre de ces contenus. O philosophie alimentaire! Rien ne semblait pourtant plus évident la table n’est-elle pas le contenu actuel de ma perception, ma perception n’est-elle pas l’état présent de ma conscience?(…) Les puissantes arêtes du monde étaient rongées par ces diligentes diastases: assimilation, unification, identification. En vain, les plus simples et les plus rudes parmi nous cherchaient-ils quelque chose de solide, quelque chose, enfin, qui ne fût pas l’esprit; ils ne rencontraient partout qu’un brouillard mou et si distingué eux-mêmes.
Contre la philosophie digestive (…),Husserl ne se lasse pas d’affirmer qu’on ne peut pas dissoudre les choses dans la conscience. Vous voyez cet arbre-ci, soit. Mais vous le voyez à l’endroit même où il est au bord de la route, au milieu de la poussière, seul et tordu sous la chaleur, à vingt lieues de la côte méditerranéenne. Il ne saurait entrer dans votre conscience, car il n’est pas de même nature qu’elle (…).Vous saviez bien que l’arbre n’était pas vous, que vous ne pouviez pas le faire entrer dans vos estomacs sombres et que la connaissance ne pouvait p as, sans malhonnêteté, se comparer à la possession. Du même coup, la conscience s’est purifiée, elle est claire comme un grand vent, il n’y a plus rien en elle, sauf un mouvement pour se fuir, un glissement hors de soi; si, par impossible, vous entriez « dans » une conscience, vous seriez saisi par un tourbillon et rejeté au-dehors, près de l’arbre, en pleine poussière, car la conscience n a pas de «dedans »; elle n’est rien que le dehors d’elle-même et c’est cette fuite absolue, ce refus d’être substance qui la constituent comme une conscience. »
(Sartre, Situations, 1947)