Bonjour, j'ai un commentaire entierement redigée a faire sur
Le Clézio, Désert, (1980)
merci d'avance de tout aide
Lalla remonte vers la vieille ville, elle gravit lentement les marches de l’escalier défoncé où
coule l’égout qui sent fort. En haut de l’escalier, elle tourne à gauche, puis elle marche dans
la rue du Bon-Jésus. Sur les vieux murs lépreux, il y a des signes écrits à la craie, des lettres et des dessins incompréhensibles, à demi effacés. Par terre, il y a plusieurs taches rouges comme le sang, où rôdent des mouches. La couleur rouge résonne dans la tête de Lalla, fait un bruit de sirène, un sifflement qui creuse un trou, vide son esprit. Lentement, avec effort, Lalla enjambe une première tache, une deuxième, une troisième. Il y a de drôles de choses blanches mêlées aux taches rouges, comme des cartilages, des os brisés, de la peau, et la sirène résonne encore plus fort dans la tête de Lalla. Elle essaie de courir le long de la rue en pente, mais les pierres sont humides et glissantes, surtout quand on a des sandales de caoutchouc. Rue du Timon, il y a encore des signes écrits à la craie sur les vieux murs, des mots, peut-être des noms ? Puis une femme nue, aux seins pareils à des yeux, et Lalla pense au journal obscène déplié sur le lit défait, dans la chambre d’hôtel. Plus loin, c’est un phallus énorme dessiné à la craie sur une vieille porte, comme un masque grotesque.
Lalla continue à marcher, en respirant avec peine. La sueur coule toujours sur son front, le
long de son dos, mouille ses reins, pique ses aisselles. Il n’y a personne dans les rues à cette heure-là, seulement quelques chiens au poil hérissé, qui rongent leurs os en grognant. Lesnfenêtres au ras du sol sont fermées par des grillages, des barreaux. Plus haut, les volets sont tirés, les maisons semblent abandonnées. Il y a un froid de mort qui sort des bouches des soupirails, des caves, des fenêtres noires. C’est comme une haleine de mort qui souffle le long des rues, qui emplit les recoins pourris au bas des murs. Où aller ? Lalla avance lentement de nouveau, elle tourne encore une fois à droite, vers le mur de la vieille maison. Lalla a toujours un peu peur, quand elle voit ces grandes fenêtres garnies de barreaux, parce qu’elle croit que c’est une prison où les gens sont morts autrefois : on dit même que la nuit, parfois, on entend les gémissements des prisonniers derrière les barreaux des fenêtres. Elle descend maintenant le long de la rue des Pistoles, toujours déserte, et par la traverse de la Charité, pour voir, à travers le portail de pierre grise, l’étrange dôme rose qu’elle aime bien. Certains jours elle s’assoit sur le seuil d’une maison, et elle reste là à regarder très longtemps le dôme qui ressemble à un nuage, et elle oublie tout, jusqu’à ce qu’une femme vienne lui demander ce qu’elle fait là et l’oblige à s’en aller.
Mais aujourd’hui, même le dôme rose lui fait peur, comme s’il y avait une menace derrière
ses fenêtres étroites, ou comme si c’était un tombeau. Sans se retourner, elle s’en va vite, elle redescend vers la mer, le long des rues silencieuses. Le vent qui passe par rafales fait claquer le linge, de grands draps blancs aux bords effilochés, des vêtements d’enfants, d’homme, des lingeries bleues et roses de femme ; Lalla ne veut pas les regarder, parce qu’ils montrent des corps invisibles, des jambes, des bras, des poitrines, comme des dépouilles sans tête.
Elle longe la rue Rodillat, et là aussi il y a ces fenêtres basses, couvertes de grillage, fermées de barreaux, où les hommes et les enfants sont prisonniers. Lalla entend par moments les bribes de phrases, les bruits de vaisselle ou de cuisine, ou bien la musique nasillarde, et elle pense à tous ceux qui sont prisonniers, dans ces chambres obscures et froides, avec les blattes et les rats, tous ceux qui ne verront plus la lumière, qui ne respireront plus le vent.
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II Développement
1) la perception globale de la ville
La ville est vide et, au fur et à mesure que se déroulent les trois paragraphes de la description, le malaise va grandissant au point que la fuite, même des éléments habituellement rassurants( le dôme rose) est préférable. Le texte décrit une lente déambulation dans la ville de Marseille de Lalla, jeune marocaine fraîchement arrivée en France. Elle marche sans but réel sinon trouver un peu de réconfort, et son angoisse, son oppression croissent à mesure qu'elle marche dans la ville encore déserte. Lalla craint la prison et un immense impression de solitude se dégage de la description.
L'espace de la ville se décrit au travers du regard de Lalla et ses déambulations :
le point de vue focal interne adopté par l'auteur nous donne accès à ce qui retient son attention mais aussi à ses sensations , ses réflexions au point d'être le fil rouge de la description entre l'auteur et le lecteur.
La ville, bien qu'étant vue de l'extérieur par Lalla, semble la rejeter en se refusant à elle ( volets fermés, portes closes, fenêtres couvertes de grillages) si bien qu'elle est "enfermée" à l'extérieur, d'où l'image inhospitalière de la ville.
2) Le regard de Lalla traduit des sensations de plus en plus oppressantes.
- le champs lexical choisi est souvent associé à la mort et la maladie, idée angoissante par nature : " murs lépreux", "le sang, où rôdent des mouches", "des os brisés",
"quelques chiens au poil hérissé", "C’est comme une haleine de mort" , "où les gens sont morts autrefois", "un tombeau",...
- ce regard est influencé par son état d'esprit : "Mais aujourd’hui, même le dôme rose lui fait peur". Ceci signifie que ce n'est pas toujours le cas mais qu'elle est particulièrement angoissée ce jour-là.
- Le texte mentionne les phantasmes de Lalla : elle a toujours un peu peur, elle croit, elle s'imagine...
- l' oppression se traduit par des phénomènes physiques : " respirant avec peine",
"La sueur coule toujours sur son front, le long de son dos, mouille ses reins, pique ses aisselles" . Cette description amène le lecteur à ressentir en même temps que Lalla les sentiments que la traversée du paysage urbain lui inspire.
III Conclusion
Le regard de Lalla et la description de la ville vide et inhospitalière sont intimement imbriqués de sorte que le lecteur en a une impression renforcée.