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Bonjour

La nuit de Mai

Les plus désespérés sont les chants les plus beaux,
Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots.
Lorsque le pélican, lassé d’un long voyage,
Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux,
Ses petits affamés courent sur le rivage
En le voyant au loin s’abattre sur les eaux.
Déjà, croyant saisir et partager leur proie,
Ils courent à leur père avec des cris de joie
En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux.
Lui, gagnant à pas lents une roche élevée,
De son aile pendante abritant sa couvée,
Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux.
Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte ;
En vain il a des mers fouillé la profondeur ;
L’Océan était vide et la plage déserte ;
Pour toute nourriture il apporte son coeur.
Sombre et silencieux, étendu sur la pierre
Partageant à ses fils ses entrailles de père,
Dans son amour sublime il berce sa douleur,
Et, regardant couler sa sanglante mamelle,
Sur son festin de mort il s’affaisse et chancelle,
Ivre de volupté, de tendresse et d’horreur.
Mais parfois, au milieu du divin sacrifice,
Fatigué de mourir dans un trop long supplice,
Il craint que ses enfants ne le laissent vivant ;
Alors il se soulève, ouvre son aile au vent,
Et, se frappant le coeur avec un cri sauvage,
Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu,
Que les oiseaux des mers désertent le rivage,
Et que le voyageur attardé sur la plage,
Sentant passer la mort, se recommande à Dieu.
Poète, c’est ainsi que font les grands poètes.
Ils laissent s’égayer ceux qui vivent un temps ;
Mais les festins humains qu’ils servent à leurs fêtes
Ressemblent la plupart à ceux des pélicans.
Quand ils parlent ainsi d’espérances trompées,
De tristesse et d’oubli, d’amour et de malheur,
Ce n’est pas un concert à dilater le coeur.
Leurs déclamations sont comme des épées :
Elles tracent dans l’air un cercle éblouissant,
Mais il y pend toujours quelque goutte de sang.

Musset

L'albatros
Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vaste oiseaux des mers
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils posés sur la planche,
Que ces rois de l'azure, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons trainer à côté d'eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

Charles Baudelaire, Les fleurs du mal, 1857

Questions sur le texte la Nuit de Mai :
• Comment s'organise ce texte ? Quelles en sont les étapes successives ?
• Qu'offre le pélican à ses petits en guise de nourriture ? Pourquoi la Muse parle-t-elle d'un "divin sacrifice" (v. 23) ? Relevez les éléments qui permettent de rapprocher le pélican d'une figure fondamentale du sacrifice que vous nommerez.
• D'après les vers 32 à 41, pourquoi peut-on qualifier la légende du pélican d'allégorie ? Quelle vision du poète suggère-t-elle ?
• Comment la légende du pélican illustre-t-elle les deux premiers vers du texte ?

- Le pélican et l'albatros -

• Quel animal Musset et Baudelaire ont-ils choisi pour symboliser le poète ? Cet animal est-il grotesque ou sublime ?
• Montrez que, d'après ces deux poèmes, le poète est un être à part, et expliquez ce qui fait sa singularité.
• La dimension sacrificielle est-elle présente dans le poème de Baudelaire? Quel sens donne-t-il à la souffrance ?

Mercii d'avance
Je met meilleur réponse et le maximum de point ^^
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