Il y a trente-cinq ans maintenant, sous la dictature de Jorge Videla, le vendredi 30 avril 1976, elles refusent d’être des « pleureuses » vêtues de noir. Le pouvoir militaire ne veut pas répondre aux familles sur le sort cruel réservé à leurs enfants. Quelques femmes, elles sont alors quatorze, se lèvent de leurs bancs et marchent sans mot dire dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, autour de la pyramide érigée au centre de plaza de Mayo, face à la Maison-Rose, le palais présidentiel. Dès lors, pratiquement tous les jeudis, à la même heure (depuis la périodicité des rendez-vous s’est allongée), elles sont de plus en plus nombreuses, plus de 2 000 en 1980. Les militaires les avaient traitées avec mépris de « folles de mai ». Elles réclament la liberté ou le corps de leurs fils disparus, assassinés, torturés.
Elles ne se sont jamais arrêtées, au nez et à la barbe de la police et des soldats, bravant la censure des médias nationaux, interpellant l’opinion internationale, comme ce fut le cas lors de la Coupe du monde football de 1982 en Argentine. Elles ont été tuées, dispersées, frappées. Certaines ont disparu, telle Azucena Villaflor, qui eut l’audace de les rassembler la première fois, en même temps que les religieuses françaises Léonie Duquet et Alice Domont. Elles ont défilé sans trembler jusqu’à la chute de la dictature, jusqu’aux grands procès, de Jorge Videla, de l’amiral Massera, et de Reynaldo Bignone, le dernier chef de la junte.
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