Quand on sort du gourbi (1), le froid vous mordille le menton, vous pique le nez comme une prise, il vous amuse. Puis il devient mauvais, vous grignote les oreilles, vous torture le bout des doigts, s’infiltre par les manches, par le col, par la chair, et c’est de la glace qui vous gèle jusqu’au ventre. Frissonnant, on danse. Un long piétinement se rapproche, un cliquetis d’armes. C’est la patrouille (2) qui va sortir. Les hommes portent d’énormes cisailles au cou, comme les vaches suisses portent leurs cloches. - Tu parles d’un business, dit le premier qui grimpe : il faut ramener chacun un bout de fil de fer boche, pour montrer qu’on y est allé … Comment qu’on va déguster ! Pesamment, ils escaladent le parapet (3), cherche la chicane (4) et s’éloignent, le dos voûté. Le silence retombe sur notre fosse obscure. Des veilleurs parlent à voix basse. Sous une toile de tente glisse un mince fil de lumière : on doit faire du vin chaud. On entend monter des gourbis la respiration de ceux qui dorment : on dirait que le tranchée geint comme un enfant malade. Transi, je me remets à danser comme un ours devant mon créneau (5) noir, sans penser à rien qu’à l’heure qui s’écoule. Nez à nez, les bras croisés, les hommes sautillent pesamment en bavardant, ou battent la semelle d’un rythme régulier. La nuit s’anime de ce bruit cadencé. Dans le cheminement, dans le boyau, la terre gercée résonne sous tous ces pieds cloutés. Toute la tranchée danse, cette nuit. Tout le régiment danse, cette veille d’attaque, toute l’armée doit danser, la France entière danse, de la mer jusqu’aux Vosges … Quel beau communiqué (6) pour demain ! A quel temps est le texte
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