Classes au collège Hommage aux enseignants Agir contre un enseignant, comme le montre les actualités des dernières années, est-il un acte normal? « Ils recevaient une culture générale, sans doute plus large que profonde, mais qui était une grande nouveauté; et comme ils avaient toujours vu leur père travailler douze heures par jour, dans le champ, dans la barque ou sur l'échafaudage, ils se félicitaient de leur heureux destin, parce qu'ils pouvaient sortir le dimanche, et qu'ils avaient, trois fois par an, des vacances qui les ramenaient à la maison. Alors le père et le grand-père, et parfois même les voisins - qui n'avaient jamais étudié qu'avec leurs mains-, venaient leur poser des questions, et leur soumettre de petites abstractions dont jamais personne au village n'avait pu trouver la clef. Ils répondaient, les anciens écoutaient, gravement, en hochant la tête... C'est pourquoi, pendant trois années, ils dévoraient la science comme une nourriture précieuse dont leurs aïeux avaient été privés : c'est pourquoi, pendant les récréations, M. le directeur faisait le tour des salles de classe pour en chasser quelques trop bons élèves, et les condamner à jouer au ballon. À la fin de ces études, il fallait affronter le brevet supérieur, dont les résultats prouvaient que la « promotion » était parvenue à maturité. Alors, par une sorte de déhiscence, la bonne graine était projetée aux quatre coins du département, pour y lutter contre l'ignorance, glorifier la République, et garder le chapeau sur la tête au passage des processions. Après quelques années d'apostolat laïque dans la neige des hameaux perdus, le jeune instituteur glissait à mi-pente jusqu'aux villages, où il épousait au passage l'institutrice ou la postière. (...) J'en ai connu beaucoup, de ces maîtres d'autrefois. Ils avaient une foi totale dans la beauté de leur mission, une confiance radieuse dans l'avenir de la race humaine. Ils méprisaient l'argent et le luxe, ils refusaient un avancement pour laisser la place à un autre, ou pour continuer la tâche commencée dans un village déshérité. Un très vieil ami de mon père, sorti premier de l'École normale, avait dû cet exploit de débuter dans un quartier de Marseille: quartier pouilleux, peuplé de misérables où nul n'osait se hasarder la nuit. Il y resta de ses débuts à sa retraite, quarante ans dans la même classe, quarante ans sur la même chaise. Et comme un soir mon père lui disait : « Tu n'as donc jamais eu d'ambition ?- Oh, mais si! dit-il, j'en ai eu ! Et je crois que j'ai bien réussi ! Pense qu'en vingt ans, mon prédécesseur a vu guillotiner six de ses élèves. Moi, en quarante ans, je n'en ai eu que deux, et un gracié de justesse. Ça valait la peine de rester là. »> Car le plus remarquable, c'est que ces anticléricaux avaient des âmes de missionnaires. Pour faire échec à « Monsieur le curé » (dont la vertu était supposée feinte), ils vivaient eux-mêmes comme des saints, et leur morale était aussi inflexible que celle des premiers puritains. >> Marcel Pagnol, La Gloire de mon père, 1957 1) De quoi parle le texte ? 2) Comment sont présentés les enseignants ? 3) Selon vous et surtout face aux actualités des 3 dernières années, et notamment les actes répréhensibles commis sur des enseignants, est-il donc normal d'agir comme il a été fait? Justifiez votre réponse.​
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