Tout commence le 24 avril 1915. Cette nuit-là, le préfet de police de Constantinople (devenue Istanbul en 1930) ordonne l'arrestation de l'élite arménienne de la ville. 600 intellectuels sont exécutés en quelques jours. Dans les mois qui suivent, les populations arméniennes sont prises pour cible sur l'ensemble du territoire ottoman. "Cela s'est traduit par des rafles dans les villages, puis des convois de déportation vers des régions comme la Syrie",
Ces crimes sont perpétrés à la fois par les forces régulières, les gendarmes turcs, et par des unités créées pour l'occasion. C'est le cas, par exemple, de l'Organisation spéciale, dirigée par un médecin formé en France, Behaeddine Chakir. "Les gens mouraient soit massacrés, soit d’épuisement, poursuit Philippe Videlier. Certains ont été vendus comme esclaves. Il y a eu des crimes sexuels, des massacres d'enfants et des adoptions forcées." Les persécutions ne cessent qu'en 1918, après un changement de régime.
De 1894 à 1896, le sultan Abdülhamid II fait ainsi tuer 200 000 personnes après des révoltes paysannes. Mais c'est avec l'arrivée au pouvoir du parti des Jeunes-Turcs, en 1908, que les évènements s'accélèrent. "C'était un régime moderniste, mais très vite, leur nationalisme les a entraînés dans une voie raciale et raciste", observe l'historien Philippe Videlier. La première guerre mondiale va leur fournir une occasion de s'en prendre aux Arméniens. Par le jeu des alliances, l'Empire se trouve opposé à la Russie, un pays frontalier, où vit également une importante minorité arménienne. "Ils ont prétexté que les Arméniens n'étaient pas des éléments sûrs, mais des séparatistes qui allaient s'allier avec la Russie contre l'Empire ottoman.
Les vraies raisons, ce sont les mêmes que pour tous les génocides, poursuit l'historien. Il y avait une volonté d’épuration ethnique pour restaurer la pureté turque." Une analyse confirmée par les diplomates étrangers présents dans l'Empire à cette époque. "Il est évident que la déportation des Arméniens n'est pas motivée par les seules considérations militaires", écrit, le 1er juin 1915, l'ambassadeur allemand, pourtant allié du pouvoir turc. Dans ses mémoires, l'ambassadeur américain Henry Morgenthau rapporte cette phrase du ministre de l'Intérieur, Talaat Pacha : "Nous ne voulons plus voir d'Arméniens en Anatolie ; ils peuvent vivre dans le désert, mais nulle part ailleurs."
Défait militairement, le gouvernement des Jeunes-Turcs perd le pouvoir en novembre 1918. Ses dirigeants, dont le trio Talaat Pacha, Enver Pacha et Djemal Pacha, prennent la fuite. A l'issue du procès de Constantinople, en 1919, le triumvirat et d'autres responsables des Jeunes-Turcs sont condamnés à mort par contumace pour leur rôle dans le génocide des Arméniens. Mais la sentence ne sera pas exécutée : absents, ils échappent à la mort. Surtout, la Turquie change de position sur le sujet avec l'arrivée au pouvoir du régime nationaliste de Mustafa Kemal, Atatürk, en 1923.
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Tout commence le 24 avril 1915. Cette nuit-là, le préfet de police de Constantinople (devenue Istanbul en 1930) ordonne l'arrestation de l'élite arménienne de la ville. 600 intellectuels sont exécutés en quelques jours. Dans les mois qui suivent, les populations arméniennes sont prises pour cible sur l'ensemble du territoire ottoman. "Cela s'est traduit par des rafles dans les villages, puis des convois de déportation vers des régions comme la Syrie",
Ces crimes sont perpétrés à la fois par les forces régulières, les gendarmes turcs, et par des unités créées pour l'occasion. C'est le cas, par exemple, de l'Organisation spéciale, dirigée par un médecin formé en France, Behaeddine Chakir. "Les gens mouraient soit massacrés, soit d’épuisement, poursuit Philippe Videlier. Certains ont été vendus comme esclaves. Il y a eu des crimes sexuels, des massacres d'enfants et des adoptions forcées." Les persécutions ne cessent qu'en 1918, après un changement de régime.
De 1894 à 1896, le sultan Abdülhamid II fait ainsi tuer 200 000 personnes après des révoltes paysannes. Mais c'est avec l'arrivée au pouvoir du parti des Jeunes-Turcs, en 1908, que les évènements s'accélèrent. "C'était un régime moderniste, mais très vite, leur nationalisme les a entraînés dans une voie raciale et raciste", observe l'historien Philippe Videlier. La première guerre mondiale va leur fournir une occasion de s'en prendre aux Arméniens. Par le jeu des alliances, l'Empire se trouve opposé à la Russie, un pays frontalier, où vit également une importante minorité arménienne. "Ils ont prétexté que les Arméniens n'étaient pas des éléments sûrs, mais des séparatistes qui allaient s'allier avec la Russie contre l'Empire ottoman.
Les vraies raisons, ce sont les mêmes que pour tous les génocides, poursuit l'historien. Il y avait une volonté d’épuration ethnique pour restaurer la pureté turque." Une analyse confirmée par les diplomates étrangers présents dans l'Empire à cette époque. "Il est évident que la déportation des Arméniens n'est pas motivée par les seules considérations militaires", écrit, le 1er juin 1915, l'ambassadeur allemand, pourtant allié du pouvoir turc. Dans ses mémoires, l'ambassadeur américain Henry Morgenthau rapporte cette phrase du ministre de l'Intérieur, Talaat Pacha : "Nous ne voulons plus voir d'Arméniens en Anatolie ; ils peuvent vivre dans le désert, mais nulle part ailleurs."
Défait militairement, le gouvernement des Jeunes-Turcs perd le pouvoir en novembre 1918. Ses dirigeants, dont le trio Talaat Pacha, Enver Pacha et Djemal Pacha, prennent la fuite. A l'issue du procès de Constantinople, en 1919, le triumvirat et d'autres responsables des Jeunes-Turcs sont condamnés à mort par contumace pour leur rôle dans le génocide des Arméniens. Mais la sentence ne sera pas exécutée : absents, ils échappent à la mort. Surtout, la Turquie change de position sur le sujet avec l'arrivée au pouvoir du régime nationaliste de Mustafa Kemal, Atatürk, en 1923.