bonjour, j'ai du mal a comprendre un texte si quelqu'un peut bien m'expliquer svp je l'ai pas compris c'est pour faire un commentaire de texte donc je suis bloqué.
(si vous avez des idées pour le commentaire de texte(axes, sous-partie) je suis preneur.)
texte de Bernard-Marie Koltès extrait de La Nuit juste avant les
forêts (1977).
Tu tournais le coin de la rue lorsque je t’ai vu, il pleut, cela ne met pas à son avantage quand il pleut sur les
cheveux et les fringues, mais quand même j’ai osé, et maintenant qu’on est là, que je ne veux pas me regarder,
il faudrait que je me sèche, retourner là en bas me remettre en état — les cheveux tout au moins pour ne pas
être malade, or je suis descendu tout à l’heure, voir s’il était possible de se remettre en état, mais en bas sont
les cons, qui stationnent : tout le temps de se sécher les cheveux, ils ne bougent pas, ils restent en attroupement,
ils guettent dans le dos, et je suis remonté — juste le temps de pisser — avec mes fringues mouillées, je resterai
comme cela, jusqu’à être dans une chambre : dès qu’on sera installé quelque part, je m’enlèverai tout, c’est
pour cela que je cherche une chambre, car chez moi impossible, je ne peux pas y rentrer — pas pour toute la
nuit cependant —, c’est pour cela que toi, lorsque tu tournais, là-bas, le coin de la rue, que je t’ai vu, j’ai couru,
je pensais : rien de plus facile à trouver qu’une chambre pour une nuit, une partie de la nuit, si on le veut
vraiment, si l’on ose demander, malgré les fringues et les cheveux mouillés, malgré la pluie qui ôte les moyens
si je me regarde dans une glace — mais, même si on ne le veut pas, il est difficile de ne pas se regarder, tant
ici il y a de miroirs, dans les cafés, les hôtels, qu’il faut mettre derrière soi, comme maintenant qu’on est là,
où c’est toi qu’ils regardent, moi, je les mets dans le dos, toujours, même chez moi, et pourtant c’en est plein,
comme partout ici, jusque dans les hôtels cent mille glaces vous regardent, dont il faut se garder — car je vis
à l’hôtel depuis presque toujours, je dis : chez moi par habitude, mais c’est l’hôtel, sauf ce soir où ce n’est pas
possible, et si je rentre dans une chambre d’hôtel, c’est une si ancienne habitude, qu’en trois minutes j’en fais
vraiment un chez-moi, par de petits riens, qui font comme si j’y avais vécu toujours, qui en font ma chambre
habituelle, où je vis, avec toutes mes habitudes, toutes glaces cachées et trois fois rien, à tel point que, s’il
prenait à quelqu’un de me faire vivre tout à coup dans une chambre de maison, qu’on me donne un appartement
arrangé comme on veut, comme les appartements où il y a des familles, j’en ferais, en y entrant, une chambre
d’hôtel, rien que d’y vivre, moi, à cause de l’habitude — on me donnerait une sorte de petite chaumière,
comme dans les histoires, au fond d’une forêt, avec de grosses poutres, une grosse cheminée, de gros meubles
jamais vus, cent mille ans de vieillesse, lorsque j’y entrerais, moi, avec rien du tout et en un rien de temps, je
t’en fais une chambre comme celles des hôtels, où je me sente chez moi, je cache la cheminée derrière les
meubles en tas, j’escamote les poutres, je change le goût de tout, je vire tous ces objets que l’on ne voit jamais
et nulle part, sauf dans les histoires, et les odeurs spéciales, les odeurs des familles, et les vieilles pierres, et
les vieux bois noirs, et les cent mille ans de vieillesse qui se moquent de tout, qui vous font étranger, qui ne
peuvent jamais faire croire que l’on est tout à fait chez soi, je vire tout et la vieillesse avec, parce que je suis
comme cela [...]