Explication linéaire (10 minutes environ)
 À l’oral, après avoir lu le texte, réalisez l’analyse linéaire du texte suivant.
 
 En approchant de son usine, le père Sorel appela Julien de sa voix de stentor; personne ne répondit. Il ne
 vit que ses fils aînés, espèce de géants qui, armés de lourdes haches, équarrissaient les troncs de sapin,
 qu’ils allaient porter à la scie. Tout occupés à suivre exactement la marque noire tracée sur la pièce de
 bois, chaque coup de leur hache en séparait des copeaux énormes. Ils n’entendirent pas la voix de leur
 père. Celui-ci se dirigea vers le hangar; en y entrant, il chercha vainement Julien à la place qu’il aurait
 dû occuper, à côté de la scie. Il l’aperçut à cinq ou six pieds plus haut, à cheval sur l’une des pièces de la
 toiture. Au lieu de surveiller attentivement l’action de tout le mécanisme, Julien lisait. Rien n’était plus
 antipathique au vieux Sorel; il eût peut-être pardonné à Julien sa taille mince, peu propre aux travaux de
 force, et si différente de celle de ses aînés; mais cette manie de lecture lui était odieuse: il ne savait pas
 lire lui-même.
 Ce fut en vain qu’il appela Julien deux ou trois fois. L’attention que le jeune homme donnait à son livre,
 bien plus que le bruit de la scie, l’empêcha d’entendre la terrible voix de son père. Enfin, malgré son âge,
 celui-ci sauta lestement sur l’arbre soumis à l’action de la scie, et de là sur la poutre transversale qui
 soutenait le toit. Un coup violent fit voler dans le ruisseau le livre que tenait Julien; un second coup aussi
 violent, donné sur la tête, en forme de calotte, lui fit perdre l’équilibre. Il allait tomber à douze ou quinze
 pieds plus bas, au milieu des leviers de la machine en action, qui l’eussent brisé, mais son père le retint de
 la main gauche, comme il tombait:
 — Eh bien, paresseux! tu liras donc toujours tes maudits livres, pendant que tu es de garde à la scie?
 Lis-les le soir, quand tu vas perdre ton temps chez le curé, à la bonne heure.
 Julien, quoiqu’étourdi par la force du coup, et tout sanglant, se rapprocha de son poste officiel, à côté de la
 scie. Il avait les larmes aux yeux, moins à cause de la douleur physique, que pour la perte de son livre qu’il
 adorait.
 Stendhal, Le Rouge et le Noir, première partie, chapitre 4 (1830).