Candide, chapitre 18 "L'Eldorado"
Candide et Cacambo montent en carrosse ; les six moutons volaient, et en moins
de quatre heures on arriva au palais du roi, situé à un bout de la
capitale. Le portail était de deux cent vingt pieds de haut et de cent
de large ; il est impossible d’exprimer quelle en était la matière. On
voit assez quelle supériorité prodigieuse elle devait avoir sur ces
cailloux et sur ce sable que nous nommons or et pierreries.
Vingt belles filles de la garde reçurent Candide et Cacambo à la descente du
carrosse, les conduisirent aux bains, les vêtirent de robes d’un tissu
de duvet de colibri ; après quoi les grands officiers et les grandes
officières de la couronne les menèrent à l’appartement de Sa Majesté, au
milieu de deux files chacune de mille musiciens, selon l’usage
ordinaire. Quand ils approchèrent de la salle du trône, Cacambo demanda à
un grand officier comment il fallait s’y prendre pour saluer Sa
Majesté ; si on se jetait à genoux ou ventre à terre ; si on mettait les
mains sur la tête ou sur le derrière ; si on léchait la poussière de la
salle ; en un mot, quelle était la cérémonie. « L’usage, dit le grand
officier, est d’embrasser le roi et de le baiser des deux côtés. »
Candide et Cacambo sautèrent au cou de Sa Majesté, qui les reçut avec
toute la grâce imaginable et qui les pria poliment à souper.
En attendant, on leur fit voir la ville, les édifices publics élevés
jusqu’aux nues, les marchés ornés de mille colonnes, les fontaines d’eau
pure, les fontaines d’eau rose, celles de liqueurs de canne de sucre,
qui coulaient continuellement dans de grandes places, pavées d’une
espèce de pierreries qui répandaient une odeur semblable à celle du
gérofle et de la cannelle. Candide demanda à voir la cour de justice, le
parlement ; on lui dit qu’il n’y en avait point, et qu’on ne plaidait
jamais. Il s’informa s’il y avait des prisons, et on lui dit que non. Ce
qui le surprit davantage, et qui lui fit le plus de plaisir, ce fut le
palais des sciences, dans lequel il vit une galerie de deux mille pas,
toute pleine d’instruments de mathématique et de physique.
Questions :
1) En quoi ce chapitre montre-t-il l'univers du conte ?
2) Citer les hyperboles et expliquer l'effet produit.
3) En quoi les salutations adressées au Roi surprennent Candide et Cacambo ? Que veut montrer Voltaire aux lecteurs de son époque ?
4) A la fin du chapitre, Voltaire nous montre un type de société particulier. Quel est-il? Expliquer pourquoi cela fait ressortir l'idéal des philosophes des Lumières.
Merci d'avance!
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1) Voltaire nous plonge dans l'univers du conte car il décrit la scène comme un univers fascinant et féérique. L'auteur donne une description magnifique du lieu, comme s'il s'agissait d'un rêve : "ornés de milles colonnes", "supériorié prodigieuse",... Le lecteur est plongé dans la scène en ayant l'impression de lire un des contes des Milles et Une Nuits.2) Hyperbole = figure de style qui tend à exagérer la description.
Il y a de nombreuses hyperboles dans ce chapitre : "Le portail était de deux cent vingt pieds de haut et de cent de large", "un tissu de duvet de colibri", "les marchés ornés de mille colonnes ... une espèce de pierreries qui répandaient une odeur semblable à celle du gérofle et de la cannelle". Je te donne juste quelques exemples.
Ici, tu peux voir que Voltaire joue sur la surenchère des détails féérique, tout est exagéré. Ces hyperboles font partie de l'univers du conte comme on l'a vu dans la question 1) ==> cela donne une impression de fausseté, comme si ce monde trop parfait n'était qu'un rêve.
3) "Cacambo demanda à un grand officier comment il fallait s’y prendre pour saluer Sa Majesté ; si on se jetait à genoux ou ventre à terre ; si on mettait les mains sur la tête ou sur le derrière ; si on léchait la poussière de la salle ".
Ce passage, presque comique, fait ressortir l'idée qu'ont Candide et Cacambo des règles de salutations qu'il faut observer lorsqu'on est présenté à un roi occidental au XVIIIe siècle.. Pour eux, il faut se soumettre littéralement devant un roi or on leur répond que dans l'eldorado, il convient simplement "d’embrasser le roi et de le baiser des deux côtés".
Voltaire fait une critique des monarchies absolues de son époque. Ici le roi est proche du peuple tandis qu'en Occident, le monarque se considère comme le père du peuple qu'il ne voit pourtant jamais, il est supérieur à tous le monde.
4) Voltaire nous montre une société utopique : il n'y a pas de prison, ni de parlement, ni de cour de justice car cela n'est pas utile dans l'Eldorado. Les habitant de ce monde ne connaissent pas le crime, la délinquance et n'ont pas besoin de parlement car les décisions sont prises dans un consensus et tout le monde est d'accord avec tout le monde. Nul besoin de polémiquer et d'argumenter dans cette société idéale. Dans ce chapitre, Voltaire montre sa vision d'une société parfaite telle que les philosophes des Lumières l'imaginent : un monde plus juste, plus égalitaire et plus moral.