Séquencoblohie
Mémoire d'en, e-Se sooveir grâce a
J'ai trois souvenirs d'école.",
J'ai trois souvenirs d'école. Le premier est le plus flou: c'est dans la cave de l'école. Nous
nous bousculons. On nous fait essayer des masques à gaz, les gros yeux de mica, le truc qui
pendouille par-devant, l'odeur écoeurante du caoutchouc.
Le second est le plus tenace je dévale en courant - ce n'est pas exactement en courant à
chaque enjambee, je saute une fois sur le pied qui vient de se poser, c'est une façon de courir
à mi-chemin de la course proprement dite et du saut à cloche-pied très fréquente chez les
enfants, mais je ne lui connais pas de dénomination particulière-, je dévale donc la rue des
Couronnes, tenant à bout de bras un dessin que j'ai fait à l'école (une peinture même) et qui
représente un ours brun sur fond ocre. Je suis ivre de joie. Je crie de toutes mes forces : « Les
oursons ! Les oursons ! »>
Le troisième est, apparemment, le plus organisé. A l'école on nous donnait des bons points.
C'étaient des petits carrés de carton jaunes ou rouges sur lesquels il y avait d'écrit: 1 point,
encadré d'une guirlande. Quand on avait eu un certain nombre de bons points dans la
semaine, on avait droit à une médaille. J'avais envie d'avoir une médaille et un jour je
l'obtins. La maîtresse l'agrafa sur mon tablier. A la sortie, dans l'escalier, il y eut une
bousculade qui se répercuta de marche en marche et d'enfant en enfant. J'étais au milieu de
l'escalier et je fis torhber une petite fille. La maîtresse crut que je l'avais fait exprès ; elle se
précipita sur moi et, sans écouter mes protestations, m'arracha ma médaille.
Je me vois dévalant la rue des Couronnes en courant de cette façon particulière qu'ont les
enfants de courir, mais je sens encore physiquement cette poussée dans le dos, cette preuve
flagrante de l'injustice, et la sensation cénesthésique(1) de ce déséquilibre imposé par les
autres, venu d'au-dessus de moi et retombant sur moi, reste si fortement inscrite dans mon
corps que je me demande si ce souvenir ne masque pas en fait son exact contraire: non pas le
souvenir d'une médaille arrachée, mais celui d'une étoile épinglée (2).
Georges Perec, W ou le Souvenir d'enfance, 1975.
I Sensation organique, due à une impression générale d'aise ou de malaise.
2 Allusion à l'étoile jaune que les Juifs durent porter pendant l'Occupation
QUESTIONS 1. Quels sont les trois souvenirs de G. Perec? (Vous
répondrez par trois phrase courtes) Dans quel ordre sont-ils présentés ?
2. Quels sont le temps et le mode employés pour évoquer les deux
premiers souvenirs ? Quelle est la valeur d'emploi de ce temps? Quel effet
est produit par l'emploi de ce temps?
3. A) Le troisième souvenir est-il évoqué au même temps ? Justifiez
b) Quelle différence y a-t-il entre les deux premiers souvenirs et le
troisième?
4) Dans le dernier paragraphe, relevez les mots en italique. > Par quels
moyens les souvenirs d'enfance de G Perec ont-t-il été conservés en lui ?
Relevez deux autres expressions qui le montrent, dans ce dernier
paragraphe.
5). En quoi le dernier souvenir a-t-il été violent pour l'enfant et marquant
pour le narrateur ?
6). "je dévale " "je saute" " je fis tomber une petite fille"" je me vois ""
je sens " dans quels cas le pronom " je " renvoie-t-il au narrateur enfant et
au narrateur adulte?