1 sur 1 L'identité personnelle n'est qu'une fiction du langage << Si l'on parle de la superstition des logiciens, je ne me lasserai jamais de souligner un petit fait très bref que les gens atteints de cette superstition n'aiment guère avouer; c'est à savoir qu'une pensée vient quand << elle » veut et non quand « je »veux, en telle sorte que c'est falsifier les faits que de dire que le sujet « je » est la détermination du verbe << pense ». Quelque chose pense, mais que ce soit justement ce vieil et illustre « je », ce n'est là, pour le dire en termes modérés, qu'une hypothèse, une allégation; surtout ce n'est pas une «< certitude immédiate ». Enfin c'est déjà trop dire que d'affirmer que quelque chose pense, ce « quelque chose»> contient déjà une interprétation du processus lui-même. On raisonne selon la routine grammaticale: << Penser est une action, toute action suppose un sujet actif, donc... » C'est par un raisonnement analogue que l'atomisme ancien plaçait à l'origine de la « force agissante » la parcelle de matière où réside cette force et à partir de laquelle elle agit, l'atome ; des esprits plus rigoureux ont fini par apprendre à se passer de ce dernier « résidu terrestre », et peut-être arrivera-t-on un jour, même chez les logiciens, à se passer de ce petit « quelque chose », résidu qu'a laissé en s'évaporant le brave vieux << moi »>. Nietzsche, Par delà le bien et le mal, § 17